Accueil A la une Les figues de barbarie menacées: Course contre la montre pour éradiquer la cochenille

Les figues de barbarie menacées: Course contre la montre pour éradiquer la cochenille

La cochenille rouge est un ravageur silencieux devenu un fléau mondial qui menace les cactus. Le ministère de l’Agriculture a engagé, il y a une année, une lutte serrée contre sa propagation. Dans d’autres pays, la quasi-totalité des plantations de figues de Barbarie ont été détruites


Le temps de la mondialisation est aussi celui de la propagation des maladies, y compris aux niveaux animal et végétal. La cochenille rouge est une atteinte grave, invasive, qui détruit les cactus. Elle ne présente aucun danger pour l’homme. A l’instar d’autres pays, la Tunisie est touchée.

Selon l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), les principaux foyers de présence de la cochenille rouge sont situés actuellement dans le Sahel, ainsi qu’à Kairouan et Sidi Bouzid, alors que les efforts de lutte se poursuivent pour freiner sa propagation et limiter les zones touchées. Les différentes représentations régionales de l’Utap ne cessent d’alerter contre une nette augmentation du nombre de foyers découverts.

Du côté du ministère de l’Agriculture, on tend à rassurer les agriculteurs, ainsi que les consommateurs de figue de Barbarie. Contactée par La Presse, la Direction générale de la santé végétale affirme que la situation est actuellement sous contrôle et que les foyers de propagation de cet insecte ne sont pas nombreux et se concentrent au niveau du Sahel. Le département affirme que près de 3.000 hectares ont été traités par les opérations d’extraction et d’incinération contre l’insecte de la cochenille du cactus. Ces superficies sont réparties entre les gouvernorats de Mahdia, Monastir, Kairouan, Sousse, Sfax et Sidi Bouzid.

« Les autorités ont lancé un plan d’urgence pour lutter contre la cochenille rouge et ce, depuis une année. Des campagnes de sensibilisation et de lutte sont menées dans les zones touchées, avec la mise en place de toute une stratégie nationale de lutte contre la cochenille », a-t-on précisé. Et d’ajouter que le plan de riposte consiste à extraire et incinérer les cactus endommagés, outre l’usage de certains pesticides.

Un ravageur silencieux

Les cochenilles sont des insectes ravageurs qui s’attaquent aux feuilles, aux tiges ou encore aux racines des plantes ornementales, fruitières ou légumières, mais surtout aux cactus. Ces insectes ont un large panel de plantes auxquelles ils s’attaquent. En Tunisie, ce sont les figues de Barbarie qui sont les plus menacées par cette cochenille dite rouge.

Ces ravageurs sont des insectes suceurs qui provoquent une malformation ainsi qu’un dessèchement de la plante, et par conséquent une perte de la récolte et des dégâts énormes pour les agriculteurs et pour les populations rurales. De plus, certaines cochenilles rejettent du miellat qui attire les fourmis et un champignon noir, la fumagine, ce qui cause de lourds dommages. Les cochenilles se plaisent dans les milieux chauds, humides et confinés. Un fort taux d’hygrométrie et une température supérieure à 27 °C augmentent les pontes. Les environnements tropicaux, les serres chauffées et les pépinières sous abri anti-froid encouragent leur développement, certaines zones en Tunisie sont particulièrement touchées, puisqu’elles présentent des foyers propices à la propagation de cet insecte découvert en Amérique du Sud.

 Dans notre pays, la première apparition de cet insecte a été détectée au mois de septembre 2021, dans le gouvernorat de Mahdia. Mais depuis 2017, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avait alerté la Tunisie contre les risques de ce parasite sur les cultures de figuiers, à l’époque la cochenille faisait des ravages au Maroc où elle a fini par détruire au moins 90% des plantations.

Compte tenu de la gravité de la situation, la FAO avait élaboré un programme d’urgence pour lutter et éradiquer la cochenille et veiller à empêcher son introduction dans d’autres pays du Maghreb, notamment l’Algérie, la Tunisie ainsi que la Libye, où le cactus s’étend sur des superficies importantes. Mais le mal est fait, cet insecte ravage malheureusement des centaines d’hectares de culture de figue de Barbarie causant des dommages considérables.  

Jusqu’à 2014, l’Afrique du Nord était une région épargnée par ce ravageur avant sa découverte, fin 2014, à Saniyet Berguig dans une commune rurale au Maroc. A cette époque, le Maroc était en plein programme de plantation de cactus avec pour objectif d’atteindre 160.000 hectares et 2 millions de tonnes de fruits en 2020.

Coccinelles prédatrices se nourrissant de cochenilles

Le professeur Bouzid Nassraoui, expert en protection des végétations, estime que la lutte contre l’insecte rouge est une tâche ardue en raison de la difficulté d’accès aux exploitations de figuiers de Barbarie, qui sont généralement situées dans des étendues et dans régions montagneuses. « Selon l’expérience actuelle du Maroc, menée avec le soutien de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), cette lutte repose principalement sur des méthodes chimiques, en attendant le développement d’autres approches biologiques et agricoles, ainsi que la recherche de variétés résistantes à ce ravageur », explique-t-il à La Presse.

Et d’ajouter : « Le ministère de l’Agriculture doit se préparer sur les plans humain, matériel et financier face à cette grave menace, car la propagation de telles nuisances et maladies se fait rapidement. Cela revêt une importance capitale pour de nombreux agriculteurs, car une partie de la population rurale dépend de la culture du figuier de Barbarie pour sa subsistance ».

Sous d’autres cieux, la lutte contre cet insecte trouve ses origines dans la nature elle-même. Au Mexique et au Maroc, pays les plus touchés, on recourt à un remède naturel : la coccinelle trident. Au Royaume chérifien, après l’annonce, l’année dernière, de l’introduction de huit variétés résistantes à ces minuscules parasites, une autre solution qui a fait ses preuves consiste à faire appel, en effet, à des coccinelles prédatrices en provenance du Mexique. Se nourrissant uniquement de cochenilles, cet insecte est capable d’éradiquer ce ravageur en l’espace de cinq ans. En Tunisie, ce genre de solutions écologiques n’est pas adopté pour le moment. 

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